© Vincent Curutchet / Alea / Vendée Globe
En finissant deuxième du tour du monde sans escale et sans assistance après 65 jours 18 heures et 10 minutes de mer, le skipper a démontré, malgré son statut de « bizuth », toute l’étendue de son talent et celui de son équipe, installée depuis plus de deux ans en plein cœur de Lorient la Base.
On dit souvent que pour faire un beau vainqueur, il faut un beau second. C’est un rôle qu’aura assuré avec panache, tout au long de cette dixième édition du Vendée Globe, le skipper installé à Lorient la Base, Yoann Richomme ! En coupant la ligne d’arrivée à 7h12 ce mercredi 15 janvier, soit seulement 22 heures et 47 minutes après le vainqueur Charlie Dalin, le marin de PAPREC-ARKÉA a pu savourer l’étendue de sa performance, saluée par une foule venue le célébrer à la hauteur de sa pugnacité. Car du début à la fin, le marin aura mené sa course tambour battant, toujours à l’offensive pour revenir jouer aux avant-postes et faire douter, jusqu’aux derniers jours de course, le leader au classement !
Il faut dire que ce Vendée Globe, voilà longtemps que le skipper originaire du Var en rêvait, lui qui, au fil des années, a étoffé son long palmarès, avec notamment deux victoires sur la Solitaire du Figaro et deux Route du Rhum gagnantes en Class40. Arrivé dans la classe IMOCA voilà deux ans seulement, avec un bateau mis à l’eau à Lorient en février 2023, Yoann Richomme avait très vite montré qu’il n’était pas venu jouer dans la cour des grands au hasard. En moins d’un an, il avait remporté deux transatlantiques : le Retour à la Base et The Transat CIC, respectivement à l’arrivée et au départ de Lorient.
Pour en arriver là, le marin de 41 ans n’avait absolument rien laissé au hasard, s’entourant d’une équipe expérimentée et motivée, installée en plein cœur de Lorient la Base. Un travail collectif salué d’ailleurs quelques minutes après son arrivée par Yoann Richomme, qui soulignait : « Je suis fier, on est tellement nombreux à être impliqués, ça transcende. La pure fierté d’avoir réussi notre pari, en partant de zéro, au final rend une copie technique quasi parfaite, le bateau il a rien, j’ai pas bricolé, il est prêt à repartir là ! On s’était bien préparés, moi j’étais bien dans ma tête, il y a eu des moments durs bien sûr, mais il y a de quoi être heureux. »
Litanie de records
Dès le départ le 10 novembre dernier, le « bizuth » avait vite trouvé ses marques et s’était emparé dès le troisième jour de course de la tête du classement, alors que l’Europe s’éloignait dans son tableau arrière. Le message était clair : il faudrait compter sur lui dans ce bras de fer à multiples adversaires ! La course de vitesse pure s’engage alors, et si Nicolas Lunven est le premier à faire tomber le record de distance en 24 heures en monocoque Yoann Richomme lui reprend le titre quelques jours plus tard, avec 551,84 milles parcourus sur la journée du 20 novembre (record battu quelques jours plus tard à nouveau par Sébastien Simon, avec 615,33 milles parcourus le 27 novembre).
Ce n’est que le début d’une litanie de records qui viendront voler en éclats tout au long de cette dixième édition du Vendée Globe ! Car voilà les marins lancés dans une folle course-poursuite avec une dépression de l’Atlantique Sud, qui les emmène tout droit du Brésil au cap de Bonne Espérance à vitesse grand V. A bord, le marin serre les dents : « C’est vraiment dur, la mer est pas trop défoncée mais le bateau il saute quand même dans tous les sens, ça va très vite, c’est hyper désagréable. J’aime pas trop ce groupe qui bombarde n’importe comment, j’en fais partie hein mais je trouve qu’on va pas pouvoir durer comme ça deux mois ! Peut être que je prendrai mon rythme à un moment, mais là c’est extrêmement dur ! »
Cela ne l’empêche pas pourtant de remettre du charbon, alors qu’il déborde le premier cap du parcours en quatrième position, à quelques milles seulement des trois premiers. La preuve : quelques heures après, le voilà en tête du classement, dans les premiers milles d’un Océan Indien qui s’annonce plus que jamais salé ! Car début décembre, un dilemme se présente devant la tête de flotte sous la forme d’une importante dépression qui se creuse devant leur étrave. Prudent et légèrement en retrait par rapport à Charlie Dalin et Sébastien Simon, Yoann Richomme infléchit sa trajectoire vers le Nord-Est, tout comme l’autre Lorientais Thomas Ruyant. Objectif ? Contourner le gros de la dépression et ses 60 nœuds de vent et huit mètres de creux annoncés par les fichiers. Mais le détour lui fait perdre plus de 500 milles sur le duo de tête…
C’est là que Yoann Richomme décide de repartir à l’attaque ! « Je me suis dit que par la porte ou par la fenêtre, ça passera », expliquait le marin à son arrivée, alors que dans cette dernière portion de l’Indien, il dévore les milles et revient de sacrément loin. Pour son arrivée dans le Pacifique, Yoann dépasse le dauphin Sébastien Simon, victime d’une perte de foil, et reprend la tête du classement à Charlie Dalin le 17 décembre.
C’est alors le début d’un intense duel qui va couvrir près de la moitié de la planète ! Avec les faveurs de la météo, les deux marins peuvent tendre leur trajectoire et se lancent dans un impressionnant mano a mano façon Solitaire du Figaro. Au Cap Horn, le skipper de PAPREC-ARKÉA devance Charlie Dalin de 9 minutes et 30 secondes, un écart mineur à la hauteur de leur performance majeure, alors qu’ils améliorent de plus de quatre jours le record d’Armel Le Cléac’h à ce seuil symbolique.
Mais si Yoann Richomme parvient à se maintenir une semaine encore à la première place, l’IMOCA MACIF Santé Prévoyance reprend l’avantage au large du Brésil, dans des petits airs qui favorisent légèrement sa carène, lancée à plein régime une fois les alizés retrouvés. A ce niveau de jeu, chaque infime détail compte !
A l’arrivée, même si Yoann Richomme aura continué jusqu’au bout de maintenir son insoutenable pression, il s’empare de la deuxième place, conscient qu’ « on jouait contre un mec qui est quasi imbattable, c’est presque pas du jeu ! Il était trop fort Charlie, c’était pas l’année où le gagner, clairement pas, il est juste stratosphérique sur ce support-là, ce sera peut être une autre fois pour nous, mais tellement fier d’en être là aujourd’hui ! »
En bouclant son tour du monde en 65 jours 18 heures et 10 minutes de mer, Yoann Richomme fait lui aussi voler en éclat le record de l’épreuve, jusqu’alors de 74 jours 3 heures, 35 minutes et 46 secondes. Un bon indicateur de l’intensité de cette dixième édition du Vendée Globe, dont le dénouement final est encore largement inconnu !
7 Lorientais pour le top 10
Car si derrière Yoann Richomme, la troisième place semble acquise au skipper vendéen Sébastien Simon, les places d’honneur, elles, sont encore l’objet d’une intense bataille, presque exclusivement lorientaise ! De la quatrième à la dixième place, c’est en effet majoritairement entre voisins de pontons qu’on se mène une guerre sans merci, à commencer par le trio de tête composé par Jérémie Beyou, Sam Goodchild et Paul Meilhat.
Moins d’une centaine de milles derrière, si Nicolas Lunven a bénéficié ces derniers jours de son décalage dans l’Est, l’affrontement est toujours intense avec Thomas Ruyant, Boris Herrmann et Justine Mettraux, impressionnante 8e actuellement, et première femme au classement. Une performance majeure là-aussi pour la « bizuth » de l’épreuve, qui montre décidément que, depuis ses premières classes en Mini 6.50, la navigatrice suisse, toujours basée à Lorient, a montré l’étendue de son talent.
A moins de 3000 milles désormais de l’arrivée, tous espèrent encore pouvoir grappiller quelques milles sur leurs camarades, avant de pouvoir, d’ici quelques semaines maintenant, retrouver les pontons de la Base et réaliser l’ampleur de leur performance, qui continue de faire vibrer l’ensemble du territoire lorientais.