📸 Adrien François
Un à un, voilà les IMOCA qui font leur retour aux pontons de Lorient La Base, après un tour du monde sans escale et sans assistance aussi intense que passionnant. Si le dernier des dix-sept skippers lorientais, Fabrice Amédéo (Nexans – Wewise), est encore attendu sur la ligne d’arrivée des Sables d’Olonne autour du 27 février, les autres solitaires retrouvent progressivement leur routine de terrien, et sortent un à un leur bateau de l’eau pour un chantier bien mérité. L’heure de faire un premier bilan de l’épreuve reine de la classe IMOCA, où les Lorientais ont à nouveau brillé.
Pour ces marins d’exception qui ont choisi Lorient comme port d’attache, la dixième édition du Vendée Globe aura une nouvelle fois tenu toutes ses promesses. Au-delà de la performance pure, avec pas moins de dix Lorientais dans le Top 15, dont Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 2e) sur le podium, l’épreuve aura surtout mis en lumière la professionnalisation accrue des équipes de la Base, avec un constat particulièrement réjouissant : aucun abandon n'est à déplorer parmi les skippers lorientais engagés dans cette aventure hors normes.
« Globalement, c’est une immense réussite par rapport à il y a quatre ans, où la généralisation des foils avaient créé des contraintes extrêmement fortes et montré de vrais problèmes de fiabilisation, souligne Pierre Le Roy, formateur en météorologie à Lorient Grand Large, et bon connaisseur de la classe IMOCA. Cela démontre un très bon niveau de préparation. Ils ont eu des conditions parfois rudes, notamment sur la fin, mais ils ont su faire face. Mieux que ça, les bateaux ont même vraiment régaté jusqu’au bout, ils arrivent fatigués mais la bataille a été intense, avec de grosses options stratégiques jusque dans les derniers jours de course. »
Un témoignage direct de la qualité du travail accompli en amont, notamment grâce à la richesse de l’écosystème nautique qui s’est constitué à Lorient ces dernières années. Les équipes de la classe IMOCA, de plus en plus nombreuses et fournies, peuvent ainsi bénéficier d’un accompagnement de qualité dans tous les différents champs de compétence, de l’électronique aux voiles en passant bien sûr par le matelotage ou le composite. « L’organisation des équipes techniques mais aussi la montée en compétence des fournisseurs ont permis de faire la différence », affirme ainsi Pierre Le Roy.
Trois bizuths exceptionnels
Parmi les faits marquants de cette édition, les performances de trois « bizuths » lorientais ne sont assurément pas passées inaperçues. Engagés récemment sur le circuit IMOCA, Justine Mettraux (Teamwork – TEAM SNEF, 8e), Sam Goodchild (VULNERABLE, 9e) ainsi que Tanguy Le Turquais (Lazare, 17e) ont tous trois mis à profit leur expérience sur d’autres supports, ayant progressivement gravi les échelons de la course au large en basculant, souvent à Lorient déjà , depuis le Mini 6,50, en passant par le Figaro ou le Class40. Si les deux premiers arrachent un Top 10 particulièrement relevé, le skipper de Lazare finit lui deuxième des bateaux à dérives droites, à quelques minutes seulement derrière le premier.
Particulièrement impressionnante, la Suissesse Justine Mettraux s’est imposée comme la femme la plus rapide de cette édition, bouclant son tour du monde en 76 jours, 1 heure et 36 minutes. « Elle a livré une performance hyper solide, commente Pierre Le Roy. Pour un premier Vendée, sur un bateau à foils mais de la génération précédente, elle a été dans le match tout du long. Elle a su exploiter au maximum son IMOCA, avec un classement et un niveau de performance remarquables. C’est le fruit de beaucoup de travail engagé ces dernières années, mais aussi un immense effort collectif de son équipe ».
Une mutualisation des compétences gagnante
C’est d’ailleurs l’autre enseignement majeur de cette édition : la pertinence des synergies entre les équipes. Ainsi, l’intégration du marin britannique Sam Goodchild au sein du team de Thomas Ruyant, ainsi que l’accompagnement de Justine Mettraux par l’équipe de Jérémie Beyou (Charal, 4e) se sont révélés une immense réussite. « Avoir des équipes hyper expérimentées qui se lancent dans la transmission aux jeunes skippers, ça joue énormément », confirme Pierre Le Roy, qui se réjouit que « la proximité des équipes dans ce lieu unique de Lorient La Base facilite de telles expérimentations et ouvre la voie à de nouvelles organisations pour l’avenir, basées sur plus de coopération ».
Certes, certains marins Lorientais ont été en deçà des objectifs qu’ils s’étaient fixés, à l’image de Thomas Ruyant (VULNERABLE, 7e) ou Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer, 12e), particulièrement accablés par les difficultés techniques. Mais ces trajectoires malmenées par les éléments – un orage pour le skipper nordiste, une collision avec un OANI pour le marin allemand - rappellent combien le Vendée Globe reste une épreuve extrêmement exigeante et soumise aux aléas.
« Je suis frustrée par le classement mais pas par la course », résumait ainsi à son arrivée au ponton la navigatrice lorientaise, Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e), contrainte de ralentir dans les derniers jours de course pour laisser passer une violente tempête hivernale sur la côte atlantique. Reste que la Britannique, dont l’IMOCA est basé à Lorient depuis 2006, aura réussi à boucler son Vendée Globe en course, après deux abandons en 2016 et 2020, et retrouver la chaleur de l’accueil du public qu’elle avait déjà connu en 2008 en finissant 4e du tour du monde sans escale et sans assistance. La skipper, qui a récemment annoncé s’associer avec la jeune Violette Dorange (DeVenir, 25e) pour la saison 2025, a d’ailleurs été mise à l’honneur lors des 1ères Victoires du Sport, remises par Lorient Agglomération le 7 février dernier.
Après ce Vendée Globe 2024 et alors que les annonces de nouveaux IMOCAS à La Base se multiplient, la voile lorientaise s’affirme encore un peu plus comme un pôle incontournable de la course au large mondiale. L’expertise développée autour du circuit IMOCA, couplée à une approche collaborative et rigoureuse, continue d’attirer les skippers nationaux et internationaux, qui rêvent de se confronter à leur tour au prochain « l’Everest des mers ». Et si l’enthousiasme du public pour cette édition 2024 augure d’une médiatisation de plus en plus importante de la course au large, une chose est sûre : Lorient Grand Large continuera d’accompagner tous ces marins d’exception, qui n’en finissent pas de faire rayonner notre territoire.
copyright Photo - Adrien François / Jean du Nord